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Affaire Stormy Daniels : « Tu dois t’en occuper », a ordonné Trump, selon Michael Cohen

Michael Cohen regarde vers le côté.

Michael Cohen quitte son domicile à Manhattan pour témoigner au procès criminel de Donald Trump, dont il était l'avocat.

Photo : Reuters / Mike Segar

Il aura fallu attendre le 12e jour de témoignages pour que le procès criminel de Donald Trump tende vers son point culminant, lundi, avec la comparution du témoin vedette : Michael Cohen, l'ancien avocat de l'ex-président.

Devant un Donald Trump impassible, Michael Cohen a incriminé au cours d'un témoignage de près de six heures celui pour qui il s'était déjà dit prêt à prendre une balle.

Lors de la reconnaissance de culpabilité enregistrée auprès des procureurs fédéraux, en 2018, M. Cohen avait admis avoir versé 130 000 $ US à l'ancienne actrice de cinéma pornographique Stormy Daniels afin qu'elle garde le silence, disant avoir agi sur les instructions de son ancien patron.

Cette fois, il a fait résonner son accusation au procès du célèbre accusé.

C'est Donald Trump qui lui a dit de payer Stormy Daniels, qui allègue avoir eu une relation sexuelle avec le politicien républicain, et il était au courant du plan visant à le rembourser sous des raisons fallacieuses, a soutenu celui qui a été son fidèle lieutenant pendant une décennie.

Donald Trump face à la justice

Consulter le dossier complet

Dessin de Donald Trump lors de sa comparution.

Tout nécessitait l'approbation de M. Trump, a affirmé celui qui a dit avoir parlé à son patron de l'époque chaque jour, et plusieurs fois par jour pendant la campagne présidentielle de 2016.

Tu dois t'en occuper, lui aurait intimé Donald Trump, quelques semaines avant le scrutin présidentiel de novembre 2016, alors que Stormy Daniels risquait de dévoiler son aventure d'un soir alléguée. Fais-le.

Il était vraiment en colère contre moi. [Il a dit :] "Je pensais que tu maîtrisais la situation. Je pensais que tu t'en occupais", a raconté celui qui avait la réputation de régler les problèmes de Donald Trump.

Celui-ci tenait à étouffer l'histoire non pas parce qu'il craignait ses répercussions potentielles sur son mariage, mais parce qu'il savait que ces allégations auraient un effet dévastateur sur sa campagne présidentielle de 2016, a soutenu M. Cohen.

Les femmes vont me détester, aurait dit M. Trump, selon son ancien homme de confiance. Les hommes vont penser que c'est cool, mais ça va être un désastre pour la campagne.

Le reportage de Frédéric Arnould

Comme d'autres témoins avant lui, Michael Cohen a parlé de l'impact de la diffusion, un mois avant la présidentielle de 2016, de l'enregistrement sur lequel on entendait Donald Trump se vanter de pouvoir « attraper » les femmes par leur sexe en toute impunité.

Après cet épisode, les révélations de Stormy Daniels auraient été catastrophiques, a estimé M. Cohen.

M. Trump lui aurait explicitement dit qu'ils devaient faire tout ce qui était en leur pouvoir pour mettre le couvercle sur ce nouveau scandale potentiel, au moins jusqu'à l'élection et une fois l’entente conclue, de retarder le paiement.

Si je gagne, cela n'aura pas d'importance, je serai président. Et si je perds, ça ne me dérangera pas vraiment.

Une citation de Michael Cohen, citant Donald Trump

Lors de leur déclaration d'ouverture, les avocats du politicien de 77 ans ont affirmé que leur client se défendait pour protéger sa famille, sa réputation et sa marque; les procureurs, eux, plaident que les motivations de Donald Trump étaient électorales.

Il ne pensait pas à Melania. Il ne pensait qu'à sa campagne.

Une citation de Michael Cohen, ancien avocat de Donald Trump

M. Cohen a affirmé avoir demandé à M. Trump comment sa femme, Melania, réagirait si l'histoire de Stormy Daniels était publiée. Combien de temps penses-tu que je resterai sur le marché [des célibataires]? aurait répondu son interlocuteur.

M. Cohen, qui a continué à attaquer Donald Trump sur les réseaux sociaux pendant tout le procès – le juge l'a même invité à se taire –, a livré son témoignage de façon posée, d'après plusieurs médias.

La piste financière

Illustration judiciaire montrant Michael Cohen interrogé sous le regard de Donald Trump et du juge Juan Merchan.

Le témoignage de Michael Cohen était très attendu.

Photo : Reuters / Jane Rosenberg

On parle de 130 000 $ US, aurait dit Donald Trump à Michael Cohen, lui demandant de mettre au point un arrangement financier avec l'ex-directeur financier de la Trump Organization. Va rencontrer Allen Weisselberg et trouvez une solution.

Le premier témoin de ce procès, l'ex-PDG du groupe américain American Media Inc. (AMI) David Pecker, avait expliqué en cour qu'après avoir acheté pour les enterrer deux histoires préjudiciables à Donald Trump sans être remboursé, il n'avait pas envie d'éponger une troisième facture.

Michael Cohen a ultimement créé une société-écran, Essential Consultants LLC, le 26 octobre 2016, dans le seul but de payer Stormy Daniels, utilisant même sa marge de crédit hypothécaire, à l'insu de sa femme, pour transférer des fonds dans ce compte.

Auriez-vous effectué ce paiement à Stormy Daniels sans avoir obtenu l'accord de M. Trump? lui a demandé la procureure Hoffinger.

Non, parce que tout nécessitait l'accord de M. Trump et qu'en plus, je voulais récupérer l'argent.

Une citation de Michael Cohen, ancien avocat de Donald Trump

M. Cohen a admis avoir menti lors de l'ouverture du compte de banque pour cette société-écran, qu'il avait décrite comme une société de conseil immobilier.

Je ne suis pas sûr qu'ils l'auraient ouvert si j'avais dit que c'était pour payer une vedette de films pour adultes dans le cadre d'un accord de non-divulgation, a-t-il dit aux procureurs, faisant écho au témoignage du banquier responsable du dossier.

Il a indiqué avoir été initialement fâché parce que Donald Trump ne le remboursait pas.

Éventuellement, il s'est fait rassurer lors d'une réunion avec Donald Trump et Allen Weisselberg en janvier 2017 à la Trump Tower, avant l'investiture du républicain.

Interrogé par la procureure Susan Hoffinger, Michael Cohen a affirmé se souvenir que M. Weisselberg lui avait dit que les paiements mensuels destinés à le rembourser pour le paiement à Stormy Daniels seraient enregistrés comme un service juridique, puisqu'il allait recevoir le titre d'avocat personnel du président.

M. Cohen a ajouté avoir eu l'impression que ses deux interlocuteurs avaient déjà réglé les détails du remboursement avant la rencontre.

Dans cette affaire, l'ancien président américain est accusé d'avoir falsifié des documents financiers de façon à camoufler les vraies raisons du remboursement fait à Michael Cohen.

Vingtième témoin appelé à la barre, Michael Cohen est le seul susceptible de faire le pont entre les deux axes suivis par les procureurs, soit les accusations de falsification de documents portées contre Donald Trump et le « plan criminel pour corrompre l'élection de 2016 » que le célèbre accusé a, selon eux, fomenté.

Donald Trump a plaidé non coupable et a nié toute aventure extraconjugale.

Donald Trump regarde devant lui, l'air renfrogné.

Donald Trump, quelques minutes avant le début du témoignage de son ancien avocat Michael Cohen

Photo : Reuters / Spencer Platt

Corroborer les dires d'un témoin à la crédibilité ébranlée

Des relevés téléphoniques, des textos, des factures, des impressions d’écran et même un enregistrement téléphonique : conscients des problèmes de crédibilité de leur témoin principal, les procureurs ont ponctué, dans la mesure du possible, plusieurs de ses affirmations de preuves écrites.

Leur stratégie a aussi consisté à faire précéder la comparution de Michael Cohen de témoignages de plusieurs personnes dont les déclarations confirment ses déclarations.

De façon préventive, les procureurs ont également laissé les témoins précédents qui ont eu des contacts avec Michael Cohen le critiquer lors de leur comparution, essayant de couper, au moins minimalement, l'herbe sous les pieds de la défense.

L'ancien avocat, qui s'est retourné contre Donald Trump après l'avoir défendu bec et ongles, a purgé une peine fédérale de prison, entre autres pour des accusations liées à cette affaire, et s'est déjà parjuré en cour.

Dans sa déclaration d'ouverture, la défense a donné un aperçu de sa stratégie en présentant Michael Cohen comme un criminel [...] obsédé par le président Trump et comme un menteur mû par un désir de vengeance après avoir échoué à obtenir un poste dans l'administration Trump.

Michael Cohen a admis aux procureurs qu'il aurait voulu que son nom figure sur la liste des candidats au poste de chef de cabinet.

Il a aussi reconnu avoir été plus que fâché d'avoir vu sa prime de 2016 être amputée.

J'ai été vraiment insulté. Cela m'a personnellement blessé, a-t-il soutenu. C'était insultant qu'on fasse preuve d'ingratitude en amputant ma prime des deux tiers.

La semaine dernière, un ancien cadre du service de la comptabilité de la Trump Organization a expliqué devant le tribunal comment avait été calculée la somme versée à Michael Cohen.

M. Cohen a reçu 420 000 $ US en 11 versements, entre février et décembre 2017.

Cette somme, selon les procureurs, tenait notamment compte des impôts qu'il verserait pour un paiement présenté comme des honoraires et non comme un remboursement et incluait une prime.

L'interrogatoire, pendant lequel les procureurs aborderont d'ailleurs le remboursement allégué, se poursuivra mardi, avant un contre-interrogatoire pendant lequel Michael Cohen sera mis à rude épreuve.

Discussion avec Piotr Smolar et Olivier Piton

Supprimer les informations préjudiciables

Michael Cohen a par ailleurs expliqué que Donald Trump s'était entendu avec l'ex-éditeur du National Enquirer David Pecker et lui-même en 2015 pour supprimer les articles négatifs afin de favoriser sa victoire électorale.

M. Pecker, premier témoin de ce procès, a expliqué comment il avait fait de sa publication le bras médiatique de la campagne de Donald Trump, notamment en achetant le récit, sans le publier, d'une première présumée maîtresse, une mannequin de Playboy, Karen McDougal, pour 150 000 $ US.

Michael Cohen a affirmé qu'il tenait Donald Trump au courant du moindre développement afin d'obtenir une reconnaissance pour ce qu'il faisait, par exemple dans le dossier McDougal.

Il a ajouté que Donald Trump lui avait demandé de s'assurer que [son histoire] ne serait pas diffusée, énumérant ensuite les multiples contacts qu'il a eus au sujet de ce dossier avec le National Enquirer.

Les procureurs ont de nouveau fait jouer une conversation que Michael Cohen a eue avec Donald Trump, au cours de laquelle ce dernier lui suggère de payer 150 000 $ US à l'ancienne playmate et lui dit de payer « comptant ».

On entend également Michael Cohen lui dire qu'il créera une compagnie.

Selon M. Cohen, Allen Weisselberg aurait fait valoir que c'était une mauvaise idée de payer à partir d'une entité liée à Donald Trump.

Allen m'a [...] dit que [...] cela irait à l'encontre du but recherché, car l'objectif était de ne pas du tout associer le nom de Trump à cette affaire.

Une citation de Michael Cohen, citant l'ex-directeur financier de la Trump Organization, Allen Weisselberg

Rendre Donald Trump « heureux »

Dès le début de son témoignage, Michael Cohen, qui avait le titre de vice-président directeur de la Trump Organization et de conseiller juridique spécial de Donald Trump, a précisé qu'il ne relevait pas du service juridique de l'entreprise et ne se rapportait qu'au magnat de l'immobilier.

Son travail, a-t-il soutenu, était de faire tout ce que Donald Trump voulait.

Il a même affirmé avoir menti, intimidé et menacé pour le compte de son ancien patron. C'est ce qui devait être fait pour accomplir les tâches, a-t-il justifié.

La seule chose que j'avais en tête était d'accomplir la tâche, de le rendre heureux.

Une citation de Michael Cohen, ancien avocat de Donald Trump

Heureux, Donald Trump ne l'était visiblement pas à l'issue du témoignage de son ancien collaborateur. Il a qualifié le procès de menace pour la démocratie et de chose terrible, renouvelant ses attaques à l'endroit du juge Juan Merchan.

Vous savez qui l'a nommé? Des politiciens démocrates. C'est un juge corrompu et en conflit d'intérêts, et il devrait nous laisser faire campagne, a-t-il lancé.

L'analyse du témoignage de Michael Cohen

Fait à noter, il n'a pas critiqué Michael Cohen, se pliant ainsi à l'ordonnance de bâillon qui l'empêche de critiquer les témoins. Il n'a d'ailleurs pas violé cette ordonnance depuis la première fois où il a été jugé coupable d'outrage au tribunal.

Ce n'est pas la première fois que Michael Cohen témoigne contre Donald Trump.

En octobre dernier, il avait été appelé à la barre lors d'un procès civil de Donald Trump pour une série de fraudes financières.

Il avait également livré un réquisitoire en règle contre Donald Trump lors d'une comparution devant un comité de la Chambre des représentants, en 2019.

Avec les informations de New York Times, CNN, The Guardian et Washington Post

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